description En 2010, j’ai commencé à enregistrer chez moi des improvisations, seul au piano, sans but précis. J’improvisais longuement autour d’une idée musicale élémentaire, puis je travaillais sur la matière enregistrée (montage, traitements, superposition…) en allant dans des directions que je n’aurais pas envisagées devant mon piano, ni devant une feuille de papier à musique.
Une dizaine de pièces courtes sont sorties de ce travail, uniquement écoutables sur haut-parleurs, dont il reste ici deux survivantes : «L’horizon comme vouloir» et «Mains et souffles».
En 2011, on m’a proposé de jouer toutes ces pièces en concert. Chose impossible en l’état, j’ai donc repris le travail en pensant «jeu pianistique», et le recours au sampler s’est imposé pour conserver la dimension étendue du piano. Le sampler n’est autre qu’un lecteur de sons, commandé par un clavier électronique, qui me permet d’intégrer au geste pianistique des couleurs et des déroulements que je prépare à l’avance à partir de prises de sons de piano retravaillées ou d’autres types de sons. Le mini clavier électronique est placé dans le piano (à la place du pupitre) et les sons sortent par deux mini haut-parleurs posés à l’intérieur même de la table d’harmonie. Les sons du piano (notes et bruitages issus de la table d’harmonie) et les sons amplifiés se trouvent ainsi sur un plan d’égalité acoustique.
J’ai réalisé peu à peu, que le sampler devenait une partie même de mon piano, indissociable dans le geste, mais aussi et surtout dans le langage sonore. Je me trouvais presque incapable de produire un geste pianistique qui m’intéresse s’il n’était pas mis en vibration avec un environnement, une résonance ou un objet sonore électroacoustique. Plutôt que de corriger cela, j’ai décidé de le développer. Le piano imaginé ici est donc une sorte de piano bionique. A ce stade j’aurais pu décider de rédiger les pièces, avant de les jouer en concert. Mais il m’a semblé plus juste de les éprouver en tant que compositeur-improvisateur plutôt que de les jouer en tant qu’interprète, que je ne suis pas. J’ai donc schématisé des formes, préparé des sons et des séquences pour le sampler, créé des petits mondes, mémorisé tout cela à l’aide de quelques petits bouts de papier, et j’ai profité d’être l’unique messager de cette musique pour la faire évoluer au fil des concerts. C’est là que j’ai décidé d’utiliser le terme d’ « étude ».
Car de la même manière que le peintre réalise des études avant d’achever sa toile, j’étais en train d’étudier le terrain de ce qui deviendrait peut-être des pièces rédigées et jouables par d’autres.
En 2014, on m’a proposé d’enregistrer ces études. C’est étrange d’avoir à fixer ce qui est en continuelle évolution. Mais cet enregistrement sera peut-être le déclencheur de la dernière étape de ce travail : la transcription sur partition.
On comprendra donc que ce disque est davantage la capture d’un instant du processus menant à l’écriture, plutôt que la gravure finale d’une oeuvre. Une perspective plus qu’un aboutissement.
Samuel Sighicelli – janvier 2015
Enregistrement et mixage - Nicolas Baillard (Studios La Buissonne 2014)
Mastering - Nicolas Baillard (Studios La Buissonne)
Préparation du Steinway - Alain Massonneau
Production - Marc Thouvenot & La Buissonne
Direction artistique - Pascale Berthelot
Traductions - Carmen Herrera et Suzanne Orwell-Negre
Peinture - Philippe Thouvenot
Photographies - Marc Thouvenot
Conception graphique - Lucas Linares