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Je suis cinéphile de longue date et grand amateur de Bernard Herrmann. Avec Stéphan et quelques amis,un soir d'ivresse,entre échanges passionnés sur les mérites comparés de Ford et Tourneur ou peut-être Kurosawa, on s'est dit "tiens ce serait bien de faire un disque sur Herrmann". Il y a dix ans, Stéphan avait déjà abordé le sujet avec Vertigo dans son magnifique "Jazz 'n (e)motion". Depuis,il propose une conférence sur la musique de Bernard Herrmann. Projections,extraits de films,commentaires et interprétations musicales... Mais là on voulait en faire un "vrai" disque. Avec la complicité de nos amis Stéphane Oskeritzian et Gérard de Haro, j"ai choisi douze films pour lesquels Herrmann avait écrit une musique que nous aimions (Sisters, Obsession) mais plus souvent encore parce que j'adorais le film et sa musique (The Ghost and Mrs Muir). Pour l'enregistrer, Stéphan a donné un concert dans le studio La Buissonne devant une soixantaine d'invités. Puis nous avons remonté tous les morceaux, ré-ordonné le tout, jeté certaines pièces (Un Jane Eyre magnifique mais pas indispensable, d'ailleurs le seul film que Stéphan n'avait jamais vu). Et voilà. Un disque qui ne s'est fait que pour des raisons affectives. Une histoire d'amitiés et un chapitre de l'histoire d'une amitié. Bernard Herrmann fait partie des compositeurs qui ont le mieux trouvé la place et le rôle de la musique dans le cinéma. Il est dans une si grande symbiose avec le film qu'on finit par entendre la musique jusque dans ses silences. Elle nous donne l'impression de lire les pensées des personnages, de ressentir leurs émotions les plus secrètes et de vivre en profondeur leurs troubles psychologiques. Devenue intrinsèque au film au même titre que la lumière, le cadrage, le découpage, et si intimement liée à la structure interne de l'histoire, elle donne un parfum à la mémoire. En évoquer quelques notes fait revenir aussitôt des effluves d'images enfouies dans nos souvenirs. Sans jamais chercher à être un interprète fidèle de sa musique et en acceptant volontiers les déformations subjectives de la mémoire, de l'improvisation et de la transposition au piano d'œuvres orchestrales, j'ai eu lors de cet enregistrement un double sentiment; celui de revivre dans un ordre aléatoire, au gré des émotions, tout ce cinéma et ces mélodies qui ressurgissaient à moi, et celui plus étrange de réaliser la musique d'un autre film dont le sujet dessinerait peu à peu la vie et la personnalité complexes de Bernard Herrmann lui-même. Il est pour moi le fantôme qui hantera à jamais l'esprit de tous ces films éternels.
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